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3 février 2009 2 03 /02 /février /2009 00:27

Samedi 31 janvier, à 15h au RER Luxembourg à Paris, s'est tenue une grande manifestation contre l'antiterrorisme. Elle s'est soldée par des arrestations et plusieurs affrontements entre flics et manifestants. En voilà le résumé.



À 14h30 devant le parc du Luxembourg, une demi-heure avant le départ officiel de la manifestation, les rues sont déjà fleurissantes de militants... et de CRS. Les drapeaux noirs ou rouges et noirs sont légions et la plupart des manifestants sont masqués.

Autour de 15h15, le cortège, gros de deux mille à trois mille personnes à vue de nez, s'ébranle enfin. N'étant pas de Paris, je ne peux malheureusement pas préciser le parcours. Dans une ambiance bon enfant tout d'abord, la manif marche dans le calme en sifflant les flics qui bloquent toutes les rues alentours. Vu l'arsenal sécuritaire déployé, il est clair que le gouvernement s'attend à des débordements.

Plus la manif avance, plus les slogans se radicalisent, plus les provocations anti-flics s'intensifient ; bientôt, on ne passe plus devant un cordon de CRS sans que ceux-ci échappent aux pétards, aux fumigènes et aux projectiles divers. Les militants veulent en découdre. Le local du Parti Socialiste, qui se trouve malheureusement sur le parcours, se fait péter une vitrine.

Après environ trois quarts d'heure de marche, la véritable manif commence. Les manifestants parviennent devant la rue qui mène à la prison de la Santé, où Julien Coupat est embastillé. Les CRS ont sorti le grand jeu pour les empêcher de parvenir jusqu'à la prison : toutes les rues sont fermées par des barrières anti-émeutes, doublées de nombreux fourgons qui barrent la route et enfin plusieurs couches de chiens de garde de l'Etat.

Les militants s'approchent le plus près possible et c'est un déluge de bouteilles, de caillasses, de fumis et de pétards qui s'abat sur les pauvres policiers, lesquels n'en mènent pas large : apparemment, leurs commandants avaient peur de la réaction de trois mille manifestants enragés, si jamais les CRS répondaient à leurs provocations. Les flics ne chargent donc pas malgré les tonnes de projectiles qui fusent sur eux et leurs fourgons. Les rues alentours sont également bloquées par des monceaux de flics planqués derrière les barrières anti-émeutes, et les fourgons sont ouverts, prêts à embarquer tout le monde.

Les provocations durent environ quinze minutes dans une ambiance très chaude ; soudain, trois flics en civil émergent « discrètement » (y a rien de moins discret qu'un flic en civil) de derrière leurs camarades CRS pour s'approcher du cortège en douce. Ils sont vite repérés et montrés du doigt. Des manifestants marchent à côté d'eux en gueulant : « Ils sont trois, on est mille ! Ils sont trois, on est mille ! », entraînant un mouvement de foule derrière le trio en sueur, qui rase les murs et fait profil bas.

La manifestation continue jusqu'à la place Denfert Rochereau, où il est prévu qu'elle se termine. La place est occupée durant une demi-heure, pleine de drapeaux noirs. Quelques militants masqués des pieds à la tête, dotés d'outils apparemment prévus pour, tentent de « dépaver » la place : ils s'attaquent au premier pavé à deux ou trois. La tâche est dure car depuis mai 68, les autorités craintives ont fait cimenter le pavé. Les manifestants se rassemblent autour des audacieux afin de les dérober à la vue des flics, mais bientôt un civil les repère et ils prennent peur, abandonnant leur corvée alors que le premier pavé était presque dégagé. Dommage.

Le camion de la Fédération Anarchiste, qui suit le cortège en passant des musiques subversives, diffuse un rendez-vous : 18h30 devant le CRA (Centre de Rétention Administrative, l'endroit où les sans-papiers de Paris sont enfermés avant d'être expulsés) de Vincennes. La plupart des lyonnais, ayant prévu le retour sur Lyon le soir-même, ne s'y rendront pas.

A l'heure-dite, deux cent personnes se rejoignent au métro le plus proche du CRA, en passant par-dessus les bornes du métro, sous l'oeil inquiet des agents de la RATP qui n'osent pas gueuler. Ils attendent dix minutes les derniers retardaires avant de traverser le bois de Vincennes pour gagner le CRA. Curieusement, la majorité des manifestants présents ne sont pas parisiens.

Pendant ce temps, la place Denfer-Rochereau se vide et les militants prennent le métro... C'est alors qu'un groupe de flics vient interpeller un fraudeur qu'ils tentent d'isoler et d'arrêter. Les manifestants se serrent les coudes et somment les deks de relâcher le jeune. Beaucoup de tensions, apparemment les militants ont failli libérer le fraudeur,  si ce n'avait été l'arrivée d'une vingtaine de pomiciers en renfort. Pour se dégager de ce guêpier, les flics ont usé de la matraque et des gazeuses.

Au CRA, n'y a pratiquement aucun drapeau et plus signe de la FA. Seule une bagnole inidentifiée gueule des slogans au mégaphone et encourage les militants. Comme il fallait s'y attendre, le CRA est protégé par un bon nombre de CRS, eux-mêmes dissimulés derrière de simples barrières de chantiers. Les manifestants chantent des slogans comme « De l'air, de l'air, ouvrez les frontières ! » en faisant face aux flics et secouant les barrières, qui finissent par s'écrouler ; face à la menace, les schtroumphes chargent enfin, heureux de pouvoir se défouler, et les manifestants reculent. Les flics en profitent pour remettre lentement les barrières en place, mais on voit aux coups d'oeil angoissés qu'ils jettent aux militants, qu'ils n'en mènent pas large.

Provocations et slogans se multiplient ; les manifestants s'avancent à quelques mètres des CRS et ne cessent de les provoquer verbalement. Puis l'atmosphère s'échauffe et des projectiles sont à nouveau balancés sur les salauds bleus, qui ripostent à coup de lacrymos ; mais il en faut davantage pour chasser les militants qui reviennent à l'assaut. Caillasses et bouteilles heurtent les fourgons et les CRS.

Enfin, sans sommation, ils chargent le rassemblement qui recule dans un bloc : quatre personnes sont arrêtées. En voulant les récupérer, les manifestants se font à nouveau charger et l'on finit par reculer, tous ensemble pour éviter de nouvelles arrestations.

Les militants reviennent au métro, escortés par les flics qui veulent s'assurer de la dispersion du rassemblement. Détail comique, les agents de la RATP auront anticipé le coup et ouvert toutes les bornes au lieu de risquer qu'elles soient pétées par des anarchistes énervés.

Dans le métro, on tente de s'organiser pour la prochaine action. Plusieurs idées circulent, mais la majorité finit par décider de se rendre au commissariat du XII arrondissement, où les arrêtés auraient été emmenés. Une quarantaine de personnes déferlent donc dans le métro, bientôt suivies (mais de loin) par une dizaine de flics qui ne semblent pas savoir comment réagir. Mais une fois engagé dans la rue qui mène au commico, le petit rassemblement tombe nez à nez avec un cordon de CRS. Ceux-ci se rangent sur le côté et font signe aux militants de passer ; lorsque tout le monde s'est avancé dans la rue, les flics chargent. Ces salauds ont fait mine d'avoir des intentions pacifiques pour mieux matraquer ensuite !

C'est la panique, c'est à celui qui court le plus vite. De toute évidence, le but des CRS est d'embarquer un maximum de monde ; ils réussissent, puisque cinq à sept arrestations ont lieu durant cette charge. Impossible d'être plus précise, je n'ai pas trouvé de renseignements sûrs à leur sujet. Fous de rage, les rescapés décident de contourner le barrage pour se rendre malgré tout au commissariat ; ils tentent d'emprunter une rue adjacente. C'est alors que les CRS apparaissent et chargent à nouveau le cortège, qui s'éparpille en courant dans la Gare de Lyon.

De nouvelles arrestations, on ignore combien exactement. Une chose est certaine, l'objectif affiché était de choper le plus grand nombre de militants possible. D'ailleurs, les flics ont déjà embarqué cent cinquante manifestants sur les deux cents qui défilaient à Paris, samedi dernier. Dix sont ressortis avec un procès au cul. Ils ne reculent devant rien pour nous faire renoncer à la lutte et nous contraindre à rester cloîtrés chez nous, trop terrorisés pour sortir... C'est après tout le but des lois sécuritaires contre lesquelles nous manifestions le 31 janvier.

Les flics parisiens ont montré un acharnement et un sadisme extraordinaires. A l'heure qu'il est, on est apparemment sans nouvelles des embastillés ; impossible de trouver des renseignements à leur sujet, sur internet. Mais une chose est sûre : nous ne pouvons pas laisser passer ça. Ce que l'on peut presque qualifier de « rafle » s'est produit encore une fois en toute impunité. Il n'y avait pas journaleux pour filmer et les amateurs n'ont pas eu l'occasion de le faire. Sur le coup, trop peu nombreux, personne n'a pu réagir. Cela ne signifie pas que tout est perdu, et nous devons redoubler d'ardeur dans la lutte au lieu d'abandonner. Ou ils auront gagné.


 

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